Lean Six Sigma est une boîte à outils puissante pour vous guider dans l’optimisation d’un processus métier, afin qu’ils soient mieux orientés sur les besoins de vos clients, et plus performants.
Lean Six Sigma, c’est quoi ?
Le Lean Six Sigma est constitué de deux approches complémentaires :
- le « Lean », dont la finalité est d’optimiser les flux du processus afin de les rendre les plus « véloces » possibles ;
- le « Six Sigma », qui consiste à mesurer (et recalibrer) le taux de défaut du processus. Le niveau de « 6 sigma » peut être apparenté à du zéro défaut.
Avec le Lean, il s’agit d’éliminer les étapes de processus superflues et redondantes, sources de gaspillage, et qui sont de nature à ralentir, voire à compromettre sa finalité : répondre au besoin du client.
Avec le Six Sigma, l’idée est de bien calibrer le taux de défaut du processus, afin de ne pas faire de la sous-qualité, ni de la sur-qualité. Le seuil de 6 sigma correspond à 3,4 défauts pour 1 million d’opportunités : à partir de là, il est important de se demander où positionner le curseur. Atteindre ce seuil de « 6 sigma » a tout son sens dans certaines industries, où la vie humaine est en jeu par exemple (santé, aéronautique, etc.), mais beaucoup moins dans d’autres, où un taux de défaut plus élevé peut tout à fait être toléré.
Au-delà de l’optimisation en tant que telle, l’approche Lean Six Sigma se caractérise par la mise sous pilotage des processus. En effet, c’est une chose d’améliorer la performance d’un processus, mais vérifier que les actions correctrices produisent les effets escomptés dans le temps en est une autre.
Un pré-requis : avoir une approche « processus »
Pour optimiser un processus, il est tout d’abord nécessaire de s’entendre sur ce qu’est un processus.
La norme ISO 9001:2015 évoque un « ensemble d’activités corrélées ou en interaction qui transforme des éléments d’entrée en éléments de sortie ». Autrement dit, un processus est une série d’activités qui, en mobilisant des ressources, vont donner naissance à un produit ou un service, afin d’apporter de la valeur ajoutée à un client.
Ensuite, pour que la démarche soit la plus fructueuse possible, il est indispensable d’aborder le processus « de bout en bout ». Par exemple, si la série d’activités traverse plusieurs strates organisationnelles (ce qui est très fréquent), il faut toutes les embarquer dans la démarche, au risque de ne pas adresser toutes les problématiques.
Exemple : prenons le cas d’un processus de remboursement de frais professionnels. Il convient de bien partir du fait générateur (un collaborateur a avancé des frais à son employeur), jusqu’à la satisfaction du besoin (le montant des frais a été versé sur son compte bancaire). L’analyse conduira à se pencher sur les modalités de soumission de la note de frais, sa validation, puis son paiement. Mais si l’on exclue de la démarche le service comptabilité qui procède aux virements, on risque de passer à côté du sujet !
Optimiser un processus avec Lean Six Sigma : l’approche DMAIC
Par où commencer ? L’approche « DMAIC » organise la démarche en 5 grandes phases, qui vont de la définition du problème au monitoring du processus et le contrôle de la pertinence des plans d’actions déployés.
#1 DEFINE : définir le problème
L’objectif ici est définir le problème à résoudre, le périmètre du projet, et les objectifs que l’on se donne. Plusieurs outils et démarches permettent d’aboutir à ce résultat.
Le SIPOC (Suppliers, Inputs, Process, Outputs, Customers) permet de formaliser les grandes étapes du processus et d’identifier les parties prenantes impliquées.
Ensuite, la consultation des clients (via des interview, enquêtes qualitatives et quantitatives, etc.) permet de préciser quelles sont les attentes de ces derniers, afin de les traduire en indicateurs mesurables : les CTQ (Critical To Quality).
La phase DEFINE se termine avec la mise en place de la charte projet, afin de formaliser pour toutes les parties prenantes du projet quels sont les objectifs et ambitions de la démarche d’optimisation.
#2 MEASURE : mesurer l’ampleur du problème
Avec la phase MEASURE, l’idée est d’aller un cran plus loin dans l’analyse, afin de bien comprendre le processus tel qu’il se déroule, et de mesurer l’ampleur du problème.
On passe alors du SIPOC au diagramme de flux, qui a pour vocation de formaliser le processus de façon plus détaillée. Le processus est modélisé (sous forme de « couloirs de nage » / « swing lane ») pour faire apparaître l’ensemble des flux, et identifier visuellement les zones à optimiser : tâches en doublons, allers/retours multiples, etc.
Point important : le diagramme de flux se construit avec les acteurs du processus ! L’objectif est de poser sur le papier le processus tel qu’il se déroule dans la vraie vie, et non pas celui qui est formalisé dans les procédures internes, ou celui souhaité par le management.
Ensuite, l’approche consistera à collecter des données sur les différentes phases du processus, sur les variables qui sont de nature à influer sur celles-ci (main d’œuvre, matériel, méthodes, etc.), et procéder à des mesures (moyenne, médiane, variation) pour identifier :
- d’une part, dans quelle mesure le processus est décroché des attentes des clients,
- et d’autre part, à quel niveau se situe le problème.
#3 ANALYSE : identifier les causes racines du problème
A ce stade, vous avez mis en lumière les difficultés de votre processus et avez une idée de l’ampleur du problème. La phase ANALYSE va permettre de déterminer les étapes et facteurs les plus influents sur le processus, qu’il convient donc d’étudier en priorité.
On constitue alors une matrice de cause à effet. Il s’agira, pour chaque étape du processus et variables de ce dernier, de « pondérer » son importance au regard de chaque CTQ. Cela fera apparaître les éléments ayant le plus d’influence sur la satisfaction du besoin client, et par conséquent les éléments sur lesquels il faut focaliser les efforts en priorité. On recherche alors les causes « racines » du problème, avec par exemple la méthode des « 5 pourquoi », qui consiste à se poser 5 fois la question « pourquoi le problème s’est-il produit », jusqu’à identifier la source originelle de la difficulté.
On bâtit alors l’AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité) : ici l’idée est de reprendre les variables du processus qui ont été identifiées comme prioritaires car les plus à même d’influer sur le bon fonctionnement de ce dernier.
Pour chaque variable, on précise la manière dont celle-ci est susceptible de défaillir, et on effectue une pondération sur :
- la sévérité de cette défaillance : est-ce grave ? ;
- son occurrence : cela arrive-t-il souvent ? ;
- l’existence de contrôles : a-t-on mis en place des mesures pour prévenir cette défaillance ?
On détermine ensuite la criticité en multipliant les différentes pondérations : sévérité x occurrence x contrôles. Cette nouvelle donnée permettra d’identifier les variables les plus critiques pour le processus, sur lesquelles il faudra agir en priorité.
#4 IMPROVE : définir le processus cible
A ce stade, on dispose d’une bonne vision des éléments à optimiser sur le processus. La phase IMPROVE consiste à formaliser le processus cible, qui prend en compte les différents ajustements nécessaires pour améliorer son efficacité et réduire les défauts.
Cette phase est aussi celle de la préparation de la conduite du changement et de l’ancrage : il s’agit de déterminer le plan d’action du déploiement, de le planifier, et de formaliser un plan de surveillance.
#5 CONTROL : mettre en œuvre et confirmer l’amélioration
La phase CONTROL se distingue des approches projet traditionnelles, où l’on assiste parfois au démantèlement des équipes projet dès le déploiement de la solution réalisé. Cette situation pose deux problèmes :
- D’une part, tant qu’une solution n’a pas été mise à l’épreuve de la réalité, on n’a pas la certitude qu’elle apporte une réponse pertinente au problème posé.
- D’autre part, l’appropriation d’un changement ne va pas de soi, et encore moins son ancrage dans la durée. Il arrive parfois que le naturel revienne au galop et que l’on retombe dans ses habitudes, malgré de nouvelles manière de procéder.
Cette dernière phase a pour finalité de monitorer le processus, via le suivi de plusieurs indicateurs clefs (définis dans le plan de surveillance), qui permettront d’identifier si les actions correctrices déployées portent leur fruits. Enfin, c’est aussi le « passage de relais » entre l’équipe projet et le pilote de processus, qui poursuivra cette supervision, afin de garantir la performance du processus dans la durée.
Utiliser Lean Six Sigma… sans en avoir l’air
L’entreprise ou l’organisation dans laquelle vous serez amené à conduire un projet d’optimisation de processus ne sera pas forcément sensibilisée au DMAIC, voire ne sera peut être pas disposée à dérouler le projet en suivant cette approche. Que ce soit par méconnaissance, par défiance envers cette méthodologie, par incompatibilité supposée avec le pilotage global des projets, etc.
Mais comme avec toute méthodologie, il faut savoir prendre de la hauteur, et mobiliser les outils qui ont du sens par rapport au problème à résoudre. Les questions que posent la charte projet, un diagramme de flux, ou un AMDEC sont valables quelle que soit la méthode projet utilisée. Il conviendra alors de les repositionner au sein de cette dernière, sans perdre de vue l’essence de Lean Six Sigma : recentrer le processus sur le besoin du client, et le mettre sous contrôle dans le temps.
Florent Goossens