Recueil du besoin : 10 conseils pour recueillir le besoin utilisateur efficacement

Le recueil du besoin utilisateur est une étape incontournable du projet. Qu’il s’agisse d’un projet SI consistant à mettre en place ou optimiser une application, un projet de refonte d’un processus métier, ou encore un projet organisationnel, il est nécessaire de recueillir les attentes des parties prenantes du projet.

Mais recueillir le besoin utilisateur ne va pas forcément de soi. Il ne suffit pas de se présenter devant un utilisateur et de lui demander « de quoi avez-vous besoin ? » : au mieux, vous repartez avec une liste au Père Noël, mais potentiellement en décalage avec vos objectifs, au pire, avec une page blanche.

Le recueil du besoin utilisateur doit être bien préparé, afin de garantir des phases de conception, de recette et de conduite du changement efficaces. Et parce que la disponibilité des utilisateurs est parfois une ressource rare, bâtir une démarche de recueil du besoin complète constitue un facteur clé de succès du projet.

Conseil #1 – Maintenez le cap sur les objectifs du projet

Dans les premières phases du projet, la solution qui sera déployée (qu’elle soit applicative ou organisationnelle) n’est généralement pas connue de manière précise. Toutefois, on connaît les grandes orientations du projet, et on sait si l’on se trouve dans une démarche d’optimisation d’un existant, de création d’un nouveau dispositif, ou, plus structurant, d’une transformation.

Il est nécessaire de conserver les objectifs du projet en fil d’Ariane lors du recueil du besoin utilisateur. Dans le cadre d’un projet de transformation, dans lequel on sait dès le départ que l’on va faire bouger les lignes, on peut être confronté à des écarts entre ce que souhaite le donneur d’ordre et ce que souhaitent les utilisateurs.

Ce qui peut apparaître comme une difficulté – les utilisateurs et le donneur d’ordre ne se projettent pas dans la même direction – ne l’est pas : car au-delà du recueil du besoin, c’est justement l’occasion d’investiguer quels pourraient être les points de blocages, résistances, afin d’anticiper efficacement la conduite du changement.

Conseil #2 – Identifiez l’ensemble des cibles du projet

Le recueil du besoin ne doit pas se cantonner aux utilisateurs finaux. Leurs attentes sont essentielles : le projet ne peut pas aller très loin sans qu’ils aient été consultés. Mais il ne faut pas s’arrêter là, et se poser la question : quelles sont les autres personnes dans l’organisation qui, lorsque la solution aura été déployée, seront impactées – indirectement – par le changement ?

Chaque projet, chaque organisation, est différente. Toutefois, il est toujours utile de consulter la ligne managériale, ou certaines fonctions support, afin d’identifier s’ils ont des besoins particuliers. Dans tous les cas, il est utile de penser au-delà de la solution et d’anticiper les phases de déploiement et de conduite du changement : ces utilisateurs « indirects » y seront probablement associés, autant initier les échanges au plus tôt avec eux sur le sujet.

Conseil #3 – Intégrez les contraintes projet et opérationnelles

Il existe une multitude d’approches pour recueillir le besoin utilisateur. De l’organisation d’ateliers avec des collaborateurs lors d’un séminaire hors site de plusieurs jours, à une simple visioconférence d’une heure, en passant par des interviews en « one to one » ou consultation de panels… autant de techniques de recueil du besoin qui disposent toutes de leurs avantages et leurs inconvénients, mais qui doivent être ajustées selon les contraintes projet et opérationnelles :

  • Les contraintes projet d’une part : tout dépend du planning projet et des ambitions. Si l’on dispose de 3 mois pour rédiger l’expression de besoins, on pourra plus facilement organiser des ateliers physiques, voire hors site avec plusieurs utilisateurs, ce qui ne sera pas possible si le projet est très contraint par les délais et que le besoin doit être formalisé en 2 semaines.
  • Les contraintes opérationnelles d’autre part : selon les fonctions exercées par les utilisateurs à mobiliser, leur disponibilité sera plus ou moins restreinte. Il est toujours plus délicat de mobiliser pendant 1 journée entière un(e) commercial(e), un(e) téléopérateur(trice) de call center, compte tenu de l’impact sur l’activité opérationnelle.

Conseil #4 – Défrichez les problématiques en amont

Selon la nature du projet et l’avancement de ce dernier, il est très instructif d’animer des ateliers utilisateurs favorisant la créativité des participants en leur demandant de se projeter, de formuler des propositions, sans a priori.

Toutefois il est indispensable de bien préparer ces moments d’échange, en identifiant en amont les éventuels sujets susceptibles d’émerger.

  • Comment ? En utilisant les sources de données existantes dans l’organisation. Il s’agit d’un projet d’optimisation d’une application ? Consultez les tickets d’incidents remontés au help desk. Un projet d’optimisation de processus ? Identifiez-s ’il existe une base des réclamations. En un mot : « défrichez » le sujet. Faites vous une première idée des problèmes, et donc des potentiels besoins.
  • Pourquoi ? Parce que vous n’êtes pas à l’abri d’animer un atelier ou conduire une interview où votre interlocuteur ne vous apporte pas de matière. Parce que votre interlocuteur a la « tête dans le guidon » et ne parvient pas à prendre du recul (ça arrive à tout le monde). Parfois aussi, par crainte de critiquer. En ayant identifié quelques problématiques en amont, cela vous permettra d’alimenter l’échange, challenger ce que vous avez identifié, mieux qualifier les problématiques.

Conseil #5 – Entrainez-vous

Avant de rencontrer des utilisateurs, et si cela est possible, n’hésitez pas à confronter votre travail avec des parties prenantes du projet ou autres collègues dans l’organisation, qui maîtrisent l’environnement des utilisateurs à consulter. Il s’agira, idéalement, d’anciens opérationnels, voire des personnes qui sont actuellement au contact régulier avec les populations impactées.

Cela peut s’avérer très utile pour enrichir votre démarche, mieux comprendre l’environnement des utilisateurs, et affûter vos questionnements en conséquence…

Conseil #6 – Constituez des groupes de 5 personnes maximum

Réunir 15 personnes dans une salle de réunion pour un atelier de travail est rarement très efficace. Au mieux, 5 personnes participeront activement, 5 personnes auront des conversations entre elles (souvent très pertinentes, mais inaudibles), et les 5 dernières resteront en retrait.

Constituez des groupes de 5 personnes maximum. Cela vous permettra :

  • D’animer plus efficacement les échanges entre les participants (pas de brouhaha).
  • D’identifier plus facilement les participants en retrait, afin « d’aller les chercher », en leur demandant de réagir sur ce qui a été dit.
  • Et potentiellement, de réaliser plusieurs ateliers : si les 15 personnes sont réparties en 3 groupes sur 3 jours différents, cela vous permet de croiser les remontées, d’aborder les sujets que vous n’avez pas eu le temps d’aborder la veille, etc.

Il est tout à fait concevable de constituer des groupes utilisateurs hétérogènes (différents métiers qui collaborent au quotidien, qui confronteront alors leurs points de vue, et partageront leurs difficultés, etc.). Toutefois, je recommanderai de ne pas constituer des groupes mixtes avec le management et les équipes opérationnelles, afin d’éviter les phénomènes d’autocensure, et de libérer la parole.

Conseil #7 – Allez à la rencontre des utilisateurs

Lorsque cela est possible, déplacez-vous ! Allez à la rencontre des utilisateurs. Les ateliers en distanciel ont ce travers que l’on ne retrouve pas quand on est face à face : on ne peut pas se mettre en mute et traiter ses emails !

Se déplacer permet de vous imprégner de « l’environnement » des utilisateurs, et c’est une donnée précieuse. Il y a quelques années, dans le cadre d’un projet, je m’étais rendu dans une agence bancaire pour rencontrer une conseillère de clientèle. Avant de démarrer notre entretien, je l’ai laissée terminer le dossier sur lequel elle était en train de travailler. Elle « jonglait » entre une multitude d’applications différentes. Le téléphone sonnait en continu. Les notifications Outlook déferlaient sur l’écran. Elle était interrompue en permanence. Quel enseignement en tirer ? Qu’il est critique que les solutions qui seront mises à sa disposition soient les plus fluides et intuitives possibles.

Enfin, le face à face créée de la proximité, et facilite la création d’un climat de confiance, propice à l’échange.

Conseil #8 – Ne misez pas tout sur les post-it

Il existe une multitude de techniques d’animations d’ateliers utilisateurs : rédaction et catégorisation de post-it, échanges autour de visuels, etc. Pourquoi pas ! Mais quelle que soit votre approche, soyez flexibles !

Vous n’êtes pas à l’abri que la technique utilisée ne prenne pas auprès des participants. Ce n’est pas grave, mais il vaut mieux prévoir ce cas de figure, afin de basculer sur une approche plus classique si les supports « physiques » ne trouvent pas leur public.

Conseil #9 – Testez la représentativité des besoins exprimés

C’est le rêve de tout chef de projet : avoir la possibilité de tester la représentativité du besoin auprès d’une population plus large. L’idée est de soumettre les besoins collectés lors des ateliers à un panel plus conséquent afin de voir dans quelle mesure ce qui a été exprimé par quelques personnes (parfois moins de 10) est partagé. On complète ainsi l’étude qualitative par une approche quantitative.

Cela apporte des informations très précieuses, mais demeure parfois plus complexe à mettre en œuvre, surtout dans les grandes organisations où il n’existe pas de panels formalisés.

Conseil #10 – Anticipez les prochaines étapes du projet

Enfin, profitez de ces temps d’échange dédiés au recueil du besoin utilisateur pour préparer l’expression de besoins et anticiper les prochaines phases du projet.

Pour chaque idée qui émerge de ces temps d’échanges, évaluez auprès des utilisateurs quelle importance ils accordent à celle-ci, et si elle est prioritaire.

N’hésitez pas à mettre à profit ces ateliers pour « prendre la température » et voir comment les utilisateurs perçoivent les changements à venir. Vous collecterez ainsi des informations précieuses pour préparer votre conduite du changement.

Florent Goossens